24 octobre 2010

Connaissez-vous l'assiette ébréchée ?

Le goût de l'assiette ébréchée

Avertissement avant lecture, il ne s'agit pas de la chronique d'une nouvelle table. Mais une réflexion boomerang, une pensée obsédante, dont on croit se séparer en l'envoyant bien loin, hors de l'esprit,  alors qu'elle revient et vous relance encore plus fermement.

Une question d'enfant de 5 ans : "Dis papa d'ou vient le vent ? " La même mais pour grand : "C'est quoi un restaurant ?"

Et oui c'est quoi un restaurant ? 
Jean, Anthelme Brillat-Savarin propose une définition dans sa Physiologie du Goût (1825) - Méditations : "Un restaurateur est celui dont le commerce consiste à offrir au public un festin toujours prêt et dont les mets se détaillent en portions à prix fixes, sur la demande des consommateurs. L'établissement se nomme restaurant, celui qui le dirige restaurateur."
En France ce sont deux circonstances révolutionnaires qui sont à la naissance des restaurants. Le départ dans l'émigration des employeurs de grands cuisiniers et le vote de la loi Le Chapelier (14 juin 1791) supprimant les corporations avec leurs monopoles, qui permirent au premiers "restaurants", dans le monde des traiteurs, rôtisseurs et aubergistes, sans parler des cabarets, de prendre une place dans la gastronomie avec une qualité voisine de celle des tables des nobles et des riches, nous dit le Dictionnaire Culturel en Langue française.
Mais aujourd'hui ? Une table qui propose un menu fixe pour 12 couverts, 5 services par semaine, est-ce un restaurant ?
A l'opposé, une table qui propose 15 entrées, 12 plats et 15 desserts pour 900 couverts jours est-ce un restaurant ?
Un lieu multiple ou le chef s'incarne 20 jours par an et le reste du temps communique par téléphone, fax ou mél, est-ce un restaurant ?
Un lieu qui reçoit plus d'un million de demandes annuelles de réservations pour en satisfaire environ 5000, encore un restaurant ?
Un lieu que l'on doit réserver 3 mois à l'avance, un restaurant ?

Je vous propose une réponse, celle de mon assiette ébréchée. Voilà, un plat du jour * pas très "glamour", l'assiette ébréchée, le chef en cuisine, un oeil sur la salle un autre sur ses cuissons. L'on sentait de l'amour pour les mangeurs, mieux, de la bienveillance, celle qui vous caresse l'âme et le ventre avec la même sincérité. Pour moi, c'était ça un restaurant, un lieu ou l'on prend soin de l'autre, avec vérité, distraction poétique et les moyens du bord, aussi. 
Cela vaut pour les restaurateurs, mais pour les mangeurs aussi. Savoir recevoir l'instant sans idées préconçues, avec la gourmandise du coeur.

*C'était délicieux et dans le menu du jour à 12 € - Autour d'un verre, Paris 9

photo BV





1 commentaire:

Thierry Richard a dit…

Toujours le même défaut chez Autour d'un verre : des sauces pleines de flotte. Où est la cuillère à soupe ?