L'épure gourmandise
Le premier dîner dans un grand restaurant, une première fois à l'égal d'une première rencontre. L'on ne peut s'empêcher de spéculer sur l'inconnu, sans doute une façon de se préparer. J'aime plutôt faire le vide en moi, marcher à pieds, longtemps. Laisser dériver mes pensées au fil des pas, presque sombrer dans un état d'absence au monde extérieur. Le sentiment étrange de retourner sa peau, vivre à l'intérieur de soi et ainsi rendre sa conscience plus perméable à ce qui peut survenir.
Pour se rendre chez Frantzén/Lindeberg, le restaurant doublement étoilé de Bjorn Frantzèn et Daniel Lindeberg, depuis le centre de Stockholm il faut franchir le pont Strombron peuplé en aval de pêcheurs au lancer qui tentent d'accrocher un saumon de la Baltique se jouant de ses eaux furieuses et limpides. Plus loin, une fois le pont enjambé, la vielle ville griffée de petites ruelles parmi lesquelles Lilla Nygatan. Devant le numéro 21, un drôle d'homme en tenue de cocher ne vous laissera pénétrer qu'a la condition d'une réservation. 18 couverts pour un dîner en 5 prologues, 5 plats et 3 desserts.
Ce tout jeune restaurant étonne par sa maturité et sa compréhension de la cuisine, aujourd'hui : incarnée, spectacle, pensée, attractive, proche, produits, légumes, jardin, intellectuelle, réfléchie, scénarisée, intelligente, juste, économique, rentable, astucieuse, gouteuse, rythmée, ritualisée, exclusive, calme, tempérée...
Beaucoup d'intelligence dans la cuisine de Daniel Lindeberg et Bjorn Frantzén. Un repas comme une oeuvre d'art, mobilisant nos sens. Spectacle en salle avec la présentation ou la scénographie de produits et des mets. Inestimable gourmandises des plats, chorégraphie d'une cuisine ouverte. Ici l'on a bien compris la cuisine d'aujourd'hui : produit, mise en scène, intelligente, nature, saine, digeste...
"Frida" la langoustine présentée vivante dans sa robe corail. Les couverts en libre service.
Le pain et le beurre, un obsession scandinave. ici le pain termine sa fermentation à table avant de cuire au Jasper (un four qui devrait "crever l'écran" des Iphone 4 foodies). Beurre baratté de l'instant en toile à beurre.
En haut à gauche l'on retrouve "Frida" ... en pièces détachées. Un bel accord autour du canard, parfumé en salle aux étincelles de charbon de bois sous le feu d'un chalumeau. Un fumé "cru" délicieux accompagné de betterave, coeur de canard snaké et vinaigre frais de framboise.
En bas à gauche le satio tempestas de 35 légumes - ingrédients (hommage à Michel Bras et son "Gargouniou" sic - il faudra que je vous fasse un post des Gargouilloux hommages à Michel Bras à travers le monde et surtout de la façon de le prononcer par les serveurs... hilarant). Bon alors ce satio tempestas ? Sincèrement bien meilleur que le gargouillou original.
incroyable sorbet camomille verveine citron - la perfection
volaille sous toutes ses coutures
très belle progression des desserts autour des saveurs, salées, sucrées et acides.
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